Mes mains sont moites, j'ai un noeud dans le ventre. Je suis sûre que je suis encore plus stressée qu'elle, derrière son rideau noir...
On s'arrête pour prendre de l'essence.
Un tigre rugit en moi, je me sens pleine de force, pleine d'émotions, je ne me sens même plus, je ne sais plus...
La nuit tombe rapidement devant et derrière nous. Je n'ai pas l'habitude d'être dans une voiture à cette heure là.
J'aime rouler. Je ne sais pas si d'ici quelques années j'aimerai conduire, je serai sûrement très stressée étant de nature anxieuse, mais une fois que je saurai comment faire, je pense que j'aimerai ça.
J'irai me balader, rouler, pour aller nul part. On ira se perdre mon Amour, la nuit tombera autour de nous, on improvisera ; sans faire de brouillon auparavant.
Lorsque le panneau "Evreux" surgit, je frémis d'excitation, d'appréhension aussi un peu. C'est pire que si c'était moi qui montais sur scène...
En sortant de la voiture, je mets en pratique mes plans pour entrer avec l'appareil photo de Garfu sans me faire repérer...
Dans le hall, il y a plein de gens. Les billets en main, on entre par "la porte 3" dans un couloir tout bleu. Puis on entre dans la salle.
Les sièges sont d'une couleur rose/mauve.
J'achète un programme. Je le feuillette sans même le regarder. J'ai l'esprit tellement occupé, je n'arrive pas à lire.
Il n'y a pas grand monde dans la salle.
Mais vers 20h25 un grand flot de personnes débarque dans la salle.
La moyenne d'âge du public se situe entre 45 et 55 ans. Je suis l'une des plus jeune (il y a juste une fille qui doit avoir entre 13 et 14 ans et une petite qui n'a pas plus de 8 ans).
Il y a du mouvement derrière le rideau, ça s'agite. On voit des ombres derrière.
Chaque mouvement sur ou autour de la scène est perçu par mon oeil. Tous mes sens sont en action. Mes narines sont saturées par les nombreux parfums qui flottent dans l'air.
Enfin, la lumière baisse...
Le rideau s'ouvre, mon coeur bat à s'en décrocher. Les cinq musiciens sont là. Le pianiste tout à gauche, le batteur au milieu, entre eux se trouve le guitariste. Tout à droite il y a le saxophoniste et entre ce dernier et le batteur il y a le bassiste. Et sans prévenir elle arrive.
Robe rouge.
Je ris intérieurement.
Son dos est tout découvert, les pans de la robe tombent souplement sur ses hanches, et le bas de la robe laisse découvrir ses pieds chaussés de talons -aiguilles- noirs.
C'est elle c'est bien elle. Je m'explose les yeux pour regarder son visage tant étudié sur les photos des magazines.
Comme elle est jolie.
Elle se met à chanter... "Mais que nada" puis "Samba de verao".
Puis elle dit : "Bonsoir Evreux..." de sa voix grave.. Encore plus belle qu'à la télé. Là c'est la vraie, la vraie de vrai qui résonne sur la scène, qui résonne dans la salle, qui résonne dans mon coeur qui bat à tout rompre.
Elle dit quelques mots sur son amour pour La Bossa-Nova, sur l'amour en général, sur le plaisir qu'elle a de nous voir tous ici ce soir...
Elle demande à la régie lumière de mettre "un peu de lumière sur la gente...".
Je frissonne de bonheur.
Je lui fais signe, j'agite mes mains, mes bras.
J'aime sa façon de balayer la salle de son regard si doux, si brillant.
C'est une Victoria qui aime ce qu'elle fait, passionée et sérieuse (même si elle a toujours sa pointe d'humour tatouée en elle) qui est là ce soir.
Après quelques autres chansons, elle annonce "Doralice" -chanson qu'elle trouve "très drôle" car c'est le fiancé de Doralice qui s'adresse à elle et qui lui reproche de rester enceinte... "Mais qui c'est qui l'a mise enceinte, hein ?!"- et chante Desde que samba et samba (l'une de mes préférées).
Elle s'excuse car elle s'est "un peu plantée" et elle entonne donc "Doralice".
"Tu verras" est l'une des chansons qu'elle chante le mieux et c'est surtout en français. Le public comprend donc ce qu'elle dit, et surtout il connaît cette chanson.
La chanson suivante s'appelle "Eu sei qui vou te amar"... Grande émotion...
Elle chante encore une douzaine de chansons et termine par "Otra vez". À un moment dans la chanson, elle met le micro derrière son dos et chante, sans lui... Magnifique. Et cette voix...
Les larmes me montent aux yeux doucement "Non c'est pas possible, ce n'est pas déjà fini, ça ne peut pas s'arrêter... Non non non...".
Elle dit "il va être l'heure de se quitter, je vais être triste, je vais pleurer mais... On se reverra une autre fois... Otra vez...".
Quand elle a fini, tout le monde se lève, tout le monde applaudit.
Elle salue de son habituelle révérence qu'elle a faite à chaque fin de chanson.
Ses musiciens la rejoignent.
On applaudit, on applaudit, on applaudit. Elle s'en va derrière le rideau, mais le rideau ne se referme pas. On reste là à applaudir. Encore encore encore. Nos mains à tous sont rouges, brûlantes et fourmillantes, j'ai mal au poignet mais peu importe. Quelques minutes après, ses musiciens réapparaissent. Ils jouent un peu, puis, surprenante, Victoria arrive, non pas sur la scène mais dans une allée.
Elle chante enfin "Aguas de Março", ma préférée, plus douce encore que dans l'album, les applaudissements continuent mais cette fois, le rideau se referme après son départ.
Nadège ne semble pas avoir très envie d'attendre un peu, je ne lui en veux pas, je comprends, elle a l'air éteinte et fatiguée.
De retour dans mon lit, j'écris quelques mots puis éclate en sanglots.
Pourquoi ? Je ne sais pas, je ne sais plus...
Tengo que ser feliz.
Commentaires :
sonatenfa
Moi je sais pourquoi les larmes sont venues...
Avec toute cette émotion en toi, il fallait bien la laisser couler un peu de toi, c'est tout à fait normal !
Il est toujours difficile de redescendre sur terre après avoir vu le soleil (mais l'essentiel est de ne pas jouer à Icare...) ; ça prendra un peu de temps mais les rayons resteront en toi, brillants et non brûlants.
Ta soirée s'est réalisée, le rêve est devenu réalité, il est donc naturel d'avoir la "petite déprime d'après coup", tous ceux qui ont souhaité ardemment quelque chose et l'ont obtenu comprendront ...
Fais donc ta transition, et peu à peu ne garde que le beau en toi, souris pour toi, revis l'intensité éprouvée et savoure tout simplement ce que tu as eu la chance de vivre.
Maintenant, tu es dans la période qui suit l'après ! ce n'est peut-être pas la plus simple, mais comme pour tout ton chemin, tu parviendras à l'apprivoiser et les couleurs de ton bonheur resplendiront avec de nouvelles teintes.
C'est beau tant de découvertes, tant de richesses ; prends le temps de les savourer, de les laisser graviter autour de toi puis de les intégrer doucement en toi...
:)